Le Sahara : un espace source de conflits

Le Sahara est le plus grand désert aride du monde. Localisé en Afrique du Nord, il couvre plus de 8.6 millions de kilomètres carrés, et s’étend de l’Océan Atlantique à la Mer Rouge. Il est ainsi partagé entre dix pays. Ce territoire présente un climat hostile avec des températures allant jusqu’à plus de 50°Celsius la journée et beaucoup plus froides la nuit. Bien qu’étant un milieu marqué par de multiples contraintes, il reste tout de même très attractif. En effet, il offre de nombreuses potentialités : ses ressources naturelles sont très convoitées par les grandes puissances mondiales, pays développés comme émergents. Le Sahara est également un grand espace de flux commerciaux, touristiques et migratoires. Néanmoins, c’est un territoire fractionné sous tension, frappé par divers conflits. Les ressources posent notamment la question de la compétition face à leur exploitation, et engendrent des conflits de nature politique, et géopolitique.

l) Le Sahara est un espace marqué par des conflits économiques.

Certains pays sahariens possèdent un capital naturel assez développé, engendrant des conflits entre pays locaux et puissances exploitantes, ainsi que de la compétition entre les multinationales. Les anciennes puissances coloniales comme la France et le Royaume-Uni, ou des pays plus nouvellement développés, notamment la Chine, utilisent leur influence pour établir des conventions, leur permettant d’ériger des infrastructures destinées à exploiter les richesses du sous-sol saharien (minières et pétrolières principalement).
C’est le cas du Niger qui vit principalement sur ses ressources en uranium, dont les exportations, à hauteur de 3000 tonnes par an, contribuent à environ 5% du Produit Intérieur Brut (PIB). L’uranium, en majorité exploité par la France détenant 87% des parts, est indispensable au bon fonctionnement de l’économie française. Un tiers de l’uranium nécessaire aux cinquante-huit réacteurs français provient du Niger, afin de produire de l’énergie nucléaire permettant d’alimenter l’Hexagone en électricité. C’est le groupe multinational Areva qui détenait le monopole de l’exploitation jusqu’en 2007, date à laquelle l’ex-président Mamadou Tandja a décidé de diversifier les partenaires miniers. Areva, installé au Niger depuis les années 1960 et exploitant entièrement la mine d’Arlit (au nord), a ainsi pu apporter de nombreux avantages à la métropole. Ces dernières années, la présence de ce groupe a néanmoins suscité des contestations de la part des Nigériens. En effet, les retombées pour le développement des populations locales sont jugées relativement faibles : les exportations d’uranium représentent seulement 5% des recettes fiscales, ce qui est trop peu pour que le pays puisse se développer dans de meilleures conditions et soit plus prospère. Par conséquent, l’entreprise publique China National Nuclear Corporation s’est alors vue attribuer un contrat d’exploitation pour la mine d’Azelik (à 200km au sud de la mine d’Arlit), concrétisant la volonté de l’Etat Nigérien de s’extirper de « l’Areva-dépendance ». La concurrence entre les grandes filiales internationales y a également contribué, celles-ci cherchant à exploiter et à s’enrichir toujours plus, aussi pour répondre aux besoins croissants des pays les plus développés et émergents. Les 90 000 mètres carrés alloués à la prospection minière ont alors été partagés entre des compagnies canadiennes, australiennes, indiennes, sud-africaines, britanniques ou encore étatsuniennes.
Il semble ainsi important de retenir que richesses minières (mais aussi pétrolières) sont sources de compétition entre les pays du Nord et émergents, qui visent à s’approprier de plus en plus de parts de marché.

Ajoutons à cela la corruption, assez présente dans la plupart des pays sahariens, elle pose un problème, notamment vis-à-vis de l’exploitation des richesses de ce territoire. Avec l’appui des Etats sahariens, les pays exploiteurs ont mis en place des stratégies pour s’accaparer les rentes de minerais (ou bien de pétrole). L’exemple de la « diplomatie du cadeau » menée par la Chine au travers de la CNPC (China National Petroleum Corporation) depuis les années 2008, afin d’obtenir des droits d’exploitation, permet d’illustrer ce phénomène de corruption. Il s’agit d’échanger des concessions contre la construction d’infrastructures censées bénéficier aux populations locales. Mais cela bénéficie surtout à ce pays non-occidental, qui va demander en échange les versements d’une grande partie des bénéfices réalisés grâce à l’exploitation des ressources. Ceci va finalement contribuer à enrichir ce pays émergent et n’aidera que peu les pays sahariens à se développer. Toutefois, ce phénomène de corruption peut se présenter dans le sens inverse. En effet, les élites politiques des Etats sahariens cherchent également à s’accaparer les rentes des droits d’exploitation des ressources. Cela a été le cas au Niger avec l’exploitation d’uranium : l’ex-président Mamadou Tandja, désormais destitué, et son entourage ont instauré un dispositif pour percevoir la rente issue de la délivrance de permis d’exploitation des mines, sans en faire profiter le pays, ce qui aurait pu aider à améliorer les conditions de vie des populations.
La corruption, en plus d’être assez généralisée dans certains pays d’Afrique, génère des conflits entre pays exploitants et pays exploités, mais également entre les élites politiques et le reste de la population.

Se développe, en parallèle de l’économie formelle, un commerce illicite. Le Sahara est un espace traversé par de nombreux flux, licites comme illicites.
Depuis le début du XXIème siècle, le commerce saharien s’est intensifié en se diversifiant et en s’ouvrant aux pays étrangers. Les produits énergétiques transportés par gazoducs notamment, et les produits agricoles ainsi que le bétail circulent du Sud au Nord, alors que les biens de consommation courants sont exportés des pays du Nord vers ceux du Sud. Le commerce s’est également étendu au trafic de stupéfiants et d’armes, ceci étant une manière, pour les pays sahariens, de s’insérer dans l’économie mondiale. On considère aujourd’hui que 15% du trafic de cocaïne mondial transiterait par l’Afrique saharienne, et que la route sahélo-saharienne vers l’Europe est de plus en plus empruntée depuis 2006.
La drogue a souvent été commercialisée le long des frontières marocaines. Néanmoins, depuis quelques années, ce trafic s’organise d’une manière bien différente et plus complexe : les stupéfiants arrivent par avion ou par conteneur directement depuis la Colombie, lieu de production, jusqu’en Mauritanie et au nord du Mali, pays servant de transit, afin d’acheminer la drogue vers l’Europe. Ces nouvelles routes africaines de la drogue provoquent des conflits entre les différentes populations aux frontières de deux pays.
Le trafic de drogues (en particulier cocaïne et haschisch) et d’armes ne cesse de se développer, facilité par les politiques qui tolèrent cette forme d’économie souterraine. Celle-ci permet d’apporter aux populations l’argent nécessaire, qui ne peut être fourni par l’économie formelle et les projets de développement instaurés par les Etats. L’activité des trafiquants est également simplifiée par la faiblesse des systèmes judiciaires et des policiers nationaux, ainsi que par la porosité des frontières, celles-ci étant peu contrôlées et certains douaniers étant corrompus.

ll) Ces conflits économiques entrainent des conflits de nature politique.

Les ressources représentent un enjeu économique et politique autant pour les pays du Sahara que pour les puissances étrangères. Aussi, l’exploitation des ressources de la mine d’Azelik par la China National Nuclear Corporation (CNNC) permet aux Nigériens de sortir de l’ « Areva-dépendance ». Ce choix politique effectué par Mamadou Tandja afin de diversifier les partenaires miniers marque la fin de l’exclusivité française dans l’exploitation d’uranium au Niger. Elle montre l’importance des ressources en uranium au niveau mondial, notamment l’uranium nigérien qui représente 1/4 de la production d’Areva en 2008 et qui est donc indispensable pour la France. C’est aussi un message politique clair : le Niger n’a pas besoin de la France pour faire partie de la mondialisation et pour exploiter son propre sol. Le Niger s’affirme comme puissance et cherche à réduire la présence française sur son territoire. Cependant, Areva possède toujours le monopole de l’activité minière. On reproche tout de même à l’entreprise française de permettre la corruption de l’Etat nigérien et de répondre aux intérêts français en priorité, le tout grâce à un partage des retombées d’uranium entre la France et les politiques au pouvoir au Niger. Les retombées pour les populations locales sont faibles et les conséquences environnementales sont désastreuses. Le cas du Niger induit une compétition entre pays du Nord, tels que la France, et pays émergents, comme la Chine, dans le but de posséder les richesses minières, mais aussi pétrolières, du Sahara afin de s’affirmer dans la mondialisation, autant économiquement que politiquement.

La présence d’Areva sur le sol nigérien pose problème au regard des populations locales car les gisements se trouvant en pays touareg ne sont pas exploités en leur faveur. Dans les villes d’Arlit et d’Akokan, la population touarègue est désormais minoritaire et peu employée par les partenaires miniers. C’est ce qui a été à l’origine de la Rébellion Touarègue au début des années 1990. Cette population se sentait désœuvrée et frustrée du fait que ce soit les populations du Sud du Niger tels que les Haoussas et les Djermas qui soient embauchés à leur place. De plus, la zone du permis d’exploitation d’Imouraren (à 80km au sud de la mine d’Arlit), délivré en 2008-2009, se situe dans l’Aïr qui est une région désertique du nord du Niger, peuplée par des Touaregs, dans un espace nomade où se trouvent des campements de saison sèche. Cela pose un problème lors des transhumances des populations et nécessite le déplacement des campements des nomades. Des camps militaires, bases industrielles et une cité minière sont aussi envisagées, modifiant complètement les lieux. Les nomades vivant dans cette zone voient leur espace de vie se transformer, avec la création d’une route goudronnée et l’installation de sites de forage près des villages. Leurs déplacements sont bouleversés, les poussant à déplacer leurs lieux de vie et à se rebeller. Cela a notamment conduit une partie de la population touarègue à rejoindre des organisations terroristes dans le but de revendiquer leur identité. Les Rébellions Touarègues, opposant les populations nomades aux gouvernements du Mali et du Niger, se sont déroulées dans le but de s’affirmer ethniquement et d’arrêter les formes d’oppressions, de marginalisations et d’insurrections qu’ils connaissent.

Ces conflits ont donc mené à la présence de divers groupes armés, tels que d’anciens rebelles Touaregs, dans tout le Sahara et sont un exemple de conflits politiques armés. La région du Sahara apparait donc comme instable politiquement. De fait, lors du Printemps Arabe de 2010, on assiste à la mort du chef de l’Etat libyen Mouammar Kadhafi en 2011 et au départ d’autres chefs, dont Hosni Moubarak en Egypte. De plus, des manifestations prolongées se déroulent en Algérie et au Maroc. Au Soudan ou encore en Mauritanie, des protestations mineures voient le jour. Des pays non arabes, comme le Burkina Faso, sont touchés par des mouvements sociaux à la même période. Aussi ces conflits, tels que la guerre civile en Algérie pendant les années 1990, la guerre civile en Libye et de multiples rébellions, permettent l’accélération de la circulation d’armes légères et lourdes ainsi que leur trafic pouvant s’effectuer de diverses façons. Cela peut expliquer la présence de multiples groupes armés, à l’origine des conflits majeurs dirigés contre les Etats à cause de la corruption, de l’oppression ou encore d’une insatisfaction grandissante, participant à l’instauration d’un climat d’insécurité au Sahara.

lll) Le Sahara est aussi affecté par des conflits géopolitiques.

La question du partage des territoires et des frontières reste toujours problématique. A l’origine, cette partie de l’Afrique était plutôt contrôlée par les deux grandes puissances coloniales européennes : la France et le Royaume-Uni. Petit à petit, les hégémonies française et britannique ont laissé place à une occupation par les Etats-Unis, en particulier depuis les années 2000 avec les attentats du 11 septembre, cette nation ayant pour volonté de lutter contre le terrorisme international, et plus tardivement par la Chine à partir de 2007. Même après les déclarations d’indépendance de la plupart des pays comme la Mauritanie et le Niger échappant à la domination française en 1960, de nombreux territoires restent toujours contrôlés par des acteurs multiples.
Ajoutons à cela le fait que les peuples nomades vivent et se déplacent sur plusieurs territoires, franchissant régulièrement des frontières. Les Touaregs sont un peuple berbère nomade d’environ deux millions d’habitants partagés sur cinq pays : l’Algérie, le Lybie, le Niger, le Burkina Faso et le Mali. Ce peuple fait face à des contraintes territoriales. Les frontières des Etats sahariens issues de la colonisation ont été tracées de manière arbitraire, freinant le mode de vie de ces nomades, en entravant l’organisation de l’élevage et de la transhumance. Ils ont également été contraints à se replier au nord sur des territoires désertiques plus arides, à cause de la remontée des cultures des nouveaux Etats souverains, empiétant sur la zone pastorale autrefois occupée par les Touaregs. Leur mode de vie s’est alors vu menacé, entrainant une rébellion. Ce conflit géopolitique peut s’illustrer au travers de l’exemple de la commune de Dannet au nord-ouest du Niger, où une organisation particulière est nécessaire afin de limiter ces rapports conflictuels. Il existe des terroirs d’attache, espaces regroupant un village, un forage et parfois un puits traditionnel. Quant aux nomades, leurs campements de saison sèche sont éparpillés sur l’ensemble du territoire. Enfin, un espace est dédié à Areva avec différentes zones (de gisement où la mine sera créée ; du permis d’exploitation où une industrie sera ensuite implantée ; et d’influence) afin que ce groupe puisse mener à bien ses activités. Des conflits existent entre Areva et ce peuple nomade, dont le mode de vie est affecté par les activités minières, d’autant plus que ces activités ne profitent pas à ces populations, qui ne sont que très peu voire pas employées par la compagnie française, et les richesses crées étant rapatriées au Sud du Niger, plus développé et sous le contrôle du gouvernement. Ainsi, cela entraine aussi des disparités de développement entre les différentes régions d’un seul et même pays.
L’ouest du Sahara est également marqué par un conflit frontalier persistant. En 1975, la Mauritanie et le Maroc se sont partagés le Sahara Occidental, une ancienne colonie espagnole. Les 450 000 habitants (les Sahraouis) ont été répartis dans ces deux pays, ainsi qu’en Algérie. Mais certains ont revendiqué l’indépendance de ce territoire, pour mettre fin à la fragmentation de ce peuple en le réunifiant au sein d’un même Etat. Ceux-ci ont donc constitué un groupe nommé le « Front Polisario », qui a affronté le Maroc pendant plusieurs dizaines d’années. Ce n’est qu’en 1991 qu’un cessez-le-feu a été négocié par l’Organisation des Nations Unies, avec en perspective un référendum pour décider ou non de leur indépendance. Toutefois, il n’a jamais eu lieu et les conflits persistent encore aujourd’hui, le Maroc ne voulant pas abandonner sa souveraineté sur ce territoire précieux, car riche en phosphate, ce qui ajoute un enjeu économique à ce conflit territorial.

Les conflits territoriaux peuvent également être accentués par les divers flux migratoires.
En effet, les réfugiés Sahraouis éparpillés au Maroc, en Mauritanie et en Algérie sont maintenus hors du Maroc et du Sahara occidental, territoire contrôlé par le Maroc, par une défense marocaine spécialement conçue contre les incursions sahraouies. Des nomades vivent donc dans des camps de réfugiés sahraouis, notamment près de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Au Sahara, l’immigration clandestine participe au climat d’agitation. Effectivement, de nombreux Subsahariens entreprennent le voyage vers l’Europe, en passant par le Maroc car il est la dernière étape avant d’y parvenir. Et cela incite les Etats sahariens et occidentaux à maximiser la sécurité. La France cherche à développer sa coopération sécuritaire avec ses anciennes colonies sahéliennes dans le domaine des flux migratoires à destination de l’Europe. En 2019, les autorités marocaines interdisent le transport de citoyens d’origine subsaharienne, ne possédant pas de titre de séjour, vers les villes du nord du pays dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Par ailleurs, les amalgames entre « terrorisme » et « migration clandestine » étant de plus en plus récurrents, l’Algérie a renforcé le contrôle des déplacements et a rigidifié ses frontières, ce qui a particulièrement plu aux Etats-Unis et à l’Europe, devenant moins facilement atteignable par les flux migratoires en provenance de la région. En plus d’être particulièrement surveillées par certains Etats, les circulations humaines sont affectées par les divers conflits mentionnés précédemment, dont les conflits armés, les rébellions et la présence terroriste qui instaurent un climat d’insécurité et font de l’espace saharien une aire de non-droit.

En bref, le Sahara présente de nombreuses potentialités faisant de lui un espace attractif et très convoité, notamment pour ses ressources naturelles. La richesse de ses sous-sols est à l’origine de conflits économiques puissants entre les multinationales et les Etats, mais aussi à l’égard des populations locales qui se sont vues dépossédées de leur territoire, bouleversant ainsi leurs modes de vie. Le Sahara est peu à peu devenu le lieu de conflits armés, en partie dû à la présence de groupes terroristes. Son avenir semble assez incertain, mais ce n’est pas pour autant que cela empêchera cette région de prospérer.

L’économie informelle en Afrique de l’Ouest

L'économie togolaise, comme la plupart des économies en voie de développement se caractérise par la capacité limitée de création d’emplois du secteur formel associé à une évolution négative de la productivité, une baisse de la rémunération du travail et une situation d’inefficacité du système éducatif. De telles caractéristiques macro-économiques expliquent en réaction, l’importance de l'économie informelle. Selon le FMI, ce terme englobe les entreprises familiales qui produisent une certaine valeur marchande sans être enregistrées et plus largement, la production souterraine résultant d'activités productives qui sont le fait d'entreprises enregistrées, mais peuvent ne pas être déclarées aux autorités en vue d'échapper à la réglementation ou à l'impôt, ou parce qu'elles sont simplement illégales. Quel est le poids réel de l'économie informelle dans les PIB africains ? Pourquoi peut-on considérer l’économie informelle comme un levier de croissance pour le continent africain ?

  • Quelles sont les caractéristiques du secteur informelle en Afrique ?

L’économie informelle constitue un mode de vie (voire de survie) de la population urbaine, pour laquelle elle permet la satisfaction de besoins fondamentaux : se nourrir, se loger, se vêtir, se former, se soigner, se déplacer. Elle concerne différentes activités alimentaires, de services personnels, de réparation, récupération et recyclage. Le commerce et la distribution représentent la majeure partie de ces activités. Au niveau des principales villes de l’UEMOA (Cotonou, Ouagadougou, Abidjan, Bamako, Niamey, Dakar et Lomé), trois quarts des unités informelles comptent un seul employé et seules 7 % emploient plus de trois personnes, la taille moyenne d’une unité informelle entant de 1,5 personne. Le niveau d’éducation est généralement faible, avec une participation relativement élevée des femmes. Ce secteur contribue en revanche peu aux dépenses publiques locales liées à l’urbanisation (eau, électricité́, voierie...). De nombreuses activités de l’informel ne sont pas ou sont peu assujetties aux impôts et taxes ; la valorisation foncière est très peu taxée, tandis que les impôts locaux ne sont pas payés régulièrement. Il en résulte que les collectivités locales disposent de budgets qui ne reflètent en aucun cas le dynamisme économique des villes.  Elles vendent des produits de faible qualité et n'exportent que très rarement.

économie informelle afrique Ouest

Les échanges informels s’appuient aussi sur des réseaux marchands qui ont une activité transnationale et couvrent toute la sous-région. Les plateformes commerciales entre Lagos et Abidjan écoulent des biens manufactures en provenance de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient. La réexportation de produits manufactures touche une large gamme de produits tels que les tissus et fripes, cosmétiques, cigarettes, véhicules d’occasion. Ces échanges sont devenus « un facteur de régulation et d’une meilleure distribution des richesses dans la zone ».

Nana Benz illustration

Au Togo, les femmes dominaient auparavant le commerce intérieur et international des textiles, des imprimés en cire et des vêtements pour femmes, dirigeant des entreprises qui se sont étendues au Burkina Faso, au Mali, au Niger, au Tchad et à d'autres pays de la région. De 1976 à 1984, ces femmes « Nana Benz » - appelées ainsi parce que leur richesse leur permettait de posséder des voitures Mercedes-Benz - contrôlaient au moins 40% des activités du secteur informel au Togo. Bien qu'elles ne soient plus aussi dominantes, une troisième génération de femmes maintient en vie leur modèle entrepreneurial. Les Nana Benz ont démontré que les économies informelles pouvaient créer des voies de réussite pour leurs enfants et leurs communautés. Elles ont non seulement construit des hôtels particuliers au Togo et possédé des propriétés dans le monde entier, mais elles ont également investi dans l'éducation de leurs enfants au pays et à l'étranger. Malgré leur propre manque d'éducation formelle, elles ont su imposer le respect. Les partenaires commerciaux européens leur ont proposé des conditions favorables pour développer leurs activités.

  • Qu’est- ce qui pousse les entrepreneurs africains vers l’informel ?

Le secteur informel domine l’économie de l’Afrique de l’Ouest et connaît une réelle expansion au détriment du secteur formel. Le développement du secteur informel est une conséquence direct de chocs économiques exogènes qu’ont subi les économies africaines : passage d’une économie planifiée à une économie de marché, dévaluation du franc CFA en 1994, crises économiques dans les pays occidentaux qui, par effet domino, impactent négativement les économies africaines. Ces facteurs ont développé un exode rural vers les métropoles, et donc gonflé le secteur informel. En outre, le climat des affaires, qui dépend directement de la politique conjoncturelle de l’État, explique aussi l’importance croissante de ce secteur. Un environnement des affaires négatif pousse l’entrepreneur à opter pour l’informel.

Les entreprises formelles sont soumises à une prolifération de prélèvements onéreux comprenant plusieurs types d’impôts divers frais. Les gouvernements n’appliquent néanmoins pas ces règles plutôt minimales, et permettent à certaines entreprises d’être soumises au régime du forfait sans aucune obligation de disposer d’états financiers fiables. Cet état de fait met en évidence les faibles capacités des États à mettre en application les règles qu’ils ont eux-mêmes édictées. La défaillance de l’État se manifeste aussi par la corruption, la lourdeur bureaucratique et un système généralisé de recherche de rentes. Elles remettent librement en cause les décisions des tribunaux qui ne leur sont pas favorables. A ce sujet, la presse rapporte souvent des scandales de corruption des tribunaux. Une chaine de complicités, qui implique les douanes, les services administratifs et les tribunaux, soutient les grands acteurs informels. La défaillance de l’État est également visible au niveau du recouvrement fiscal. Les autorités fiscales ciblent de manière disproportionnée les entreprises formelles. De plus, plusieurs dirigeants d’entreprises pensent que la « sous-déclaration » des revenus est omniprésente et n’est pas punie par le gouvernement.

Il convient de noter en particulier que les réseaux ethniques et religieux se substituent à l’État pour la fourniture de biens publics. Ces réseaux constituent une forme de « capital social » qui peut entrainer des effets positifs aussi bien que effets négatifs sur le développement économique. Le capital social en général, et les réseaux informels en particulier, peuvent entre exclusifs, intolérants ou même promouvoir un comportement antisocial et une violation des règles et normes de l’économie formelle. On l’observe clairement dans les pays d’Afrique de l’Ouest où les réseaux sociaux sont fortement impliqués dans des activités illégales, en particulier la contrebande et l’évasion fiscale. De façon générale, les réseaux ethniques et religieux sont particulièrement importants en Afrique de l’Ouest en raison de la combinaison d’une faiblesse des institutions formelles, de la perpétuation de réseaux de l’époque précoloniale et de la résistance au colonialisme.

En bref

L’économie informelle présente un grand potentiel de développement si elle est bien organisée et si l’on respecte la structure souple et autonomie qui la caractérise. Elle résout momentanément certains problèmes sociaux nés des données démographiques, rurales et urbaines, des « produits » du système éducatif, de la pénurie d’emploi, des licenciements du « secteur organisé ». Pour poursuivre la transformation sociale et économique de l’Afrique, il est donc nécessaire de reconnaître l’économie informelle comme un levier clé du développement et un facilitateur de la migration basée sur le commerce.

L’enfer des « petites bonnes » au Maroc

C’est d’un fléau très peu connu dont nous tenions à vous parler aujourd’hui. L’un des membres de Go To Togo de nationalité marocaine, est engagé avec L’Institut National de Solidarité Avec les Femmes en détresse (INSAF) dans la lutte conte l’exploitation infantile au Maroc. Amine témoigne du destin bouleversant de petites filles exploitées.

Au Maroc, des milliers de « petites bonnes » se retrouvent contraintes travailler en tant que domestique loin de leur foyer. Il s’agit de petites et jeunes filles âgées de sept à quinze ans, issues de milieux défavorisés principalement de villages de zones rurales et de grands bidonvilles, forcées de devenir « femme » de ménage pour aider leur famille en situation d’extrême pauvreté.

Elles connaissent une situation particulièrement précaire. L’absence de contrat explicite entre les parents et la famille d’accueil ouvre la porte à tous les abus et fragilise la position des petites filles, qui deviennent soumises au bon vouloir et parfois aux pires sévices de leurs employeur. Dans la plupart des cas, elles sont battues, opprimées et violées. Elles ne sont que très peu payées, environ 70 euros par mois, lorsque la maitresse de maison décide de les payer car parfois ces jeunes filles ne sont même pas payées. De plus, elles doivent travailler dès le lever du soleil jusqu’à très tard la nuit, doivent faire l’ensemble des tâches ménagères, s’occuper des courses et préparer les repas pour ne manger que les restes. En devenant domestique, ces petites filles renoncent à l’école très tôt, près de 60% d’entre-elles sont analphabètes.

Cette pratique tout à fait illégale et à l’encontre de la loi de protection des mineurs est pourtant largement répandue. Pour y faire face, des associations viennent en aide aux victimes. C’est ainsi qu’une association au Maroc, INSAF, se charge de l’aide de ces « petites bonnes ». L’INSAF : ce sont des actions dans l’ensemble du territoire, un travail de sensibilisation de grande ampleur mais aussi un contact direct avec ces petites filles. En effet, les bénévoles de cette association repèrent dans un premier temps les situations irrégulières puis contactent la petite fille opprimée. Celle-ci se voit proposer des alternatives financières afin que ses parents acceptent qu’elle cesse de travailler. Une fois libérées, les jeunes filles à l’enfance gâchée sont prises en charge par l’association qui a alors pour mission de les scolariser. Enfin, l’INSAF s’engage à suivre la situation de ces petites filles en leur proposant un logement dans un foyer qui leur est dédié. Les petites filles apprennent à se reconstruire et peuvent pratiquer toute sorte d’activités : apprendre à cuisiner des pâtisseries marocaines par exemple. L’entraide et la solidarité sont des valeurs inhérentes à leur reconstruction.

Les « petites bonnes » au Maroc sont le nouveau visage de l’esclavagisme moderne et leur cause mérite d’être soutenue. Il existe un réel manque de protection juridique des petites filles qui subissent cette exploitation ce qui les dissuadent de révéler les sévices qu’elles subissent. D’où la nécessité, de mettre en place une loi spécifique définissant la traite des personnes mineures.

Amine Msik, 17 novembre 2018