Le marché des féticheurs à Lomé: point sur le vaudouisme

  • Au 17èmesiècle, des hommes du Golfe de Guinée ont été réduits en esclavage. En ces temps difficiles, les hommes se sont soutenus mutuellement, mais ont aussi cherché une protection au-delà de leur corps et de leur âme.

C’est dans ce contexte de peur et de détresse que la religion vaudou est née, il y a donc plus de trois siècles, au sein de l’ancien royaume de Dahomey.

Le vaudouisme, bien que divisé en différentes communautés de cultes, a une origine cosmique, issue des cultes animistes africains. Il compte environ 50 millions de pratiquants dans le monde. En effet, après des décennies, il s’est également développé en Afrique du Nord, où il se retrouve mélangé à l’islam.

Ce culte s’est donc développé aussi bien dans les pays d’origine des esclaves, le Bénin et le Togo, ainsi qu’au lieu de leur arrivée au cœur des Caraïbes, où les Noirs capturés, réduits en esclavage, l’ont développé : à Cuba, en Haïti, au Brésil et même aux États-Unis. Ces esclaves ne pouvaient parler leur langue et pratiquer leur culte : leur seul réconfort était le vaudouisme, la seule part de leur patrimoine culturel qu’ils ont réussi à préserver…

Ceci explique pourquoi cette religion est aussi protégée au Togo.

 

  • En général, le vaudouisme est un culte largement inconnu des sociétés européennes. Je tenterai donc de vous éclairer sur les bases de cette religion !

Le Dieu suprême du vaudouisme est Mawu, qui signifie littéralement « l’inaccessible ». Cette figure n’a pas de forme : il n’est jamais représenté et a donc créé d’autres vaudous, pour qu’ils rentrent en relation avec les hommes et le monde.

Vous voilà maintenant parés pour appréhender la suite de l’aventure ! Direction, Lomé, quartier d’Akodésséwa…

 

  • Les sorciers et guérisseurs de cette religion prescrivent aux adeptes d’étranges remèdes. Têtes de singes, gueules de crocodiles, poupées, caméléons, grenouilles, perruches… On ne les trouve pas à tous les coins de rue ! C’est ainsi que s’est développé dans la capitale du Togo, Lomé, un marché où l’on peut se procurer tous ces objets. Il est surnommé « marché des féticheurs ».

Les adeptes de la religion vaudou de tout le pays s’y rendent régulièrement ! D’un œil extérieur à ce culte, c’est un lieu encore plus impressionnant ! Sa taille est gigantesque, de nombreuses peaux de bêtes, des oiseaux, des serpents sont disposés pour sécher au soleil.

La propreté et l’hygiène n’y sont pas les principales préoccupations : entre poussière et odeur de pourriture, il peut être difficile de se concentrer ! Mais qu’importe, l’essentiel est de se procurer les fameux objets fétiches.

 

  • Si vous n’avez pas sauté sur l’occasion de vivre la meilleure expérience de votre vie en participant aux chantiers de Go To Togo (shame on you…), il vous est tout de même possible d’approfondir vos connaissances sur cette religion si passionnante !

Il existe en effet des musées en Europe consacrés au vaudouisme : le château Vaudou à Strasbourg, ainsi que le musée du vaudou à Essen en Allemagne.

Ces musées seront sans doute moins chers que l’entrée au marché des féticheurs !

À 10000 francs CFA le ticket, il semble que le tourisme l’ait quelque peu emporté sur la tradition. Business is business…

 

  • Si mon article sur le vaudouisme vous a séduit, je vous conseille vivement le documentaire Des hommes et des dieux, produit en 2002 par Anne Lescot et Laurence Magloire.

Ce documentaire retrace l’histoire d’un groupe d’homosexuels et travestis en Haïti. Pour eux, le vaudouisme représente un espace de liberté d’expression et de réconfort, où chacun, peu importe son orientation sexuelle, y trouve une protection.

 

Lucile Ané, 10 février 2019

L’Afrique et le danger du salafisme djihadiste

Alors que le retour des combattants djihadistes d’Irak et de Syrie est source de vifs débats en Europe, la question du terrorisme n’est pas moins préoccupante dans cette autre partie du monde qu’est l’Afrique. En effet, plusieurs groupes se revendiquant d’une idéologie salafiste djihadiste, menacent la sécurité au sein de pays africains tels que le Mali ou le Nigeria. Il convient d’abord de définir ce qu’est le salafisme djihadiste ; une idéologie prônant une lutte armée afin d’imposer un islamisme purifié des origines et donc un retour à la Charia, la loi islamique. Voici un petit tour d’horizon de quelques-unes des principales factions terroristes djihadistes :

La première, sans doute la plus connue et médiatisée, est Boko Haram. Prenant également le nom d’Etat islamique en Afrique de l’Ouest, elle a été fondée en 2002 au Nord-Est du Nigéria, par Mohamed Yusuf. L’idéologie anti-occidentale de ce mouvement s’exprime à travers son nom même.  Boko, dérive de l’anglais « book » qui signifie « livre » et haram se traduit par « interdit » en arabe. Ce groupe rejette donc l’enseignement qu’il considère perverti par les occidentaux. Boko Haram a notamment fait parler en 2014, lors de l’enlèvement de 276 lycéennes dans l’Etat de Borno au Nigéria. Mis à part les enlèvements, ce groupe agit à travers des massacres dans les villages nigériens mais aussi des attentats-suicides. Le nombre total de ses victimes s’élève à plus de 15 000.

Une seconde organisation fait également beaucoup parler d’elle : AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique. Cette branche d’Al-Qaïda est née en Algérie en 2007, à l’initiative de Abdelmalek Droudkel. Il s’agit d’un des nombreux djihadistes ayant combattu les Américains lors de la Seconde guerre d’Afghanistan à partir de 2001. AQMI, dont l’objectif final est l’instauration dans l’ensemble du monde musulman d’un califat régi par la charia sévit avant tout au Sahel. Son action prend la forme de guérillas, d’attentats terroristes ou encore d’enlèvements, comme en 2011 lorsque deux français, membres d’une ONG, ont été enlevés et tués par cette organisation au Niger.

Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans est, lui, né en 2017, de la fusion de plusieurs groupes d’obédience salafiste djihadiste. A travers des guérillas, des attentats-suicides et des enlèvements ce groupe menace avant tout le Mali, le Niger, la Lybie et le Burkina Faso. Il détient aujourd’hui plusieurs otages occidentaux et notamment la française Sophie Pétronin. Cette dernière, enlevée en décembre 2016, est la fondatrice de l’ONG« Association d’Aide à Gao », qui œuvre dans le domaine de l’aide à l’enfance dans le nord du Mali. Son fils ne cesse de demander de l’aide à l’Etat afin d’obtenir sa libération.

Plus à l’Est, en Somalie, on trouveHarakat al-Chabab al-Moudjahidin, le « mouvement des jeunes combattants ». Ce long nom désigne ce que l’on appelle plus couramment les « chebabs ». Cette faction, fondée en 2006 par Aden Hashi Farah Ayro,vise à créer un Etat Islamique en Somalie. A ses débuts, ce groupe, agissant dans cet état en déliquescence qu’est la Somalie, a connu quelques succès. Il est en effet venu à contrôler une partie du pays avant d’être repoussé en 2011 par l’armée Somalienne, aidée de l’Union Africaine.

Enfin, intéressons-nous à Ansar-Al Charia. Ce nom désigne ce qui pourrait se traduire par « défenseurs de la loi islamique ». Ce nom exprime l’objectif premier des organisations qui le portent: l’imposition du respect de la Charia dans leur zone d’opération. Différents groupes djihadistes en Afrique sont ainsi nommés mais nous nous focaliserons sur deux d’entre eux. L’un, est d’origine tunisienne, et a été lancé en avril 2011 par Abou Iyadh. L’autre est né en Libye, en 2012, à la suite de la Chute du dictateur Libyen, Mouhammar Khadafi.Ces deux groupes tentent d’obtenir l’adhésion d’une certaine partie de la population locale à travers des services rendus à celle-ci tels que la réparation de routes ou la sécurisation des hôpitaux. Cette adhésion est nécessaire afin de contribuer à la propagation de leur idéologie.

Face à cette insécurité que font peser ces groupes terroristes sur leur pays, les gouvernements africains sont peu armés. Des forces occidentales et notamment françaises, interviennent donc pour protéger ces territoires menacés, mais ces interventions feront l’objet d’un prochain article.

 

Marylou Colombet, 21 mars 2019

 

Rencontre avec Serge et l’orphelinat Sainte Rose, des murs dédiés aux enfants

 

 

Un dîner s’accompagne toujours d’une histoire. Parfois, elle est banale. La vie. Le quotidien. La routine quoi. Mais d’autres fois, l’histoire est passionnante, prenante, enivrante !

C’est relatif. Certes. Mais cette histoire-là, je vous l’annonce, elle est démente.

Serge est franco-camerounais. Il est né au Sud du Cameroun, où il a vécu une partie de son enfance, avant de rejoindre ses parents en France. Cette ancienne colonie française est encore aujourd’hui relativement marquée par l’occupation française, puisqu’on y parle le français et que la France a toujours une emprise sur le pays, notamment dans le choix du président au pouvoir.

Sans entrer dans le détail, le Cameroun est toujours soumis aux intérêts qu’il doit payer à la France. Ils renflouent le déficit français, mais empêchent le développement camerounais…

Problème. Le but de cet article n’est pas de retracer l’histoire géopolitique du Cameroun, mais simplement de replacer votre esprit dans le contexte actuel.

 

Je souhaitais également préciser, avant toute chose, que Serge ne partage pas son histoire pour être perçu comme « le sauveur de l’humanité » (titre scoop digne d’un journal people), ni comme un héros. Il ne recherche pas la gloire. Son action a pour but de rétablir une égalité. Il agit pour une cause qu’il considère juste. Simplement. Je tenterai donc de vous partager son récit avec les mots les plus justes qu’il soit.

Revenons à notre histoire passiona-démente…

Chaque histoire se construit, mais on ne sait quand elle se finit.

Les débuts sont bien souvent inattendus, incompréhensibles voire complètement loufoques. Mais ce qui est certain, c’est que ces « débuts » sont significatifs. Ainsi, de retour au Cameroun pour les funérailles d’une de ses tantes, Serge a vécu un de ces « début ». Un début marquant.

En discutant avec des membres du village dans l’après-midi, il pointa du doigt une direction, en demandant s’il n’y avait pas un orphelinat, là-bas. Il n’en avait jamais entendu parler auparavant, ne connaissait absolument pas la réponse qui allait suivre, posait sa question par le plus grand des hasards. Les habitants lui répondirent qu’il y avait effectivement un orphelinat dans cette direction, non loin, et lui demandèrent pourquoi il avait posé cette question. A cela il ne pouvait répondre d’une manière rationnelle. Il ne savait pas pourquoi !

Le hasard, dit-on, fait bien les choses.

Une fois de plus, ce fut vrai.

Un instinct dira-t-on ! Serge n’attendit pas plus tard que le lendemain matin pour exiger qu’on l’y emmène.

Arrivé à l’orphelinat Sainte Rose, seules deux personnes s’occupaient de toute l’organisation. Il vit deux sœurs faire la cuisine, jouer avec les enfants, laver les vêtements et les draps.

Il y resta un moment. Les lieux lui plurent. Enfin ça, je le déduis, car cette scène s’est déroulée il y a plus de quinze ans.

Oui, depuis la rencontre avec les murs et les vies qui y logeaient, Serge n’a plus jamais quitté cet orphelinat. Du moins, son cœur ne l’a jamais quitté, bien qu’il vive en France.

Peut-être que l’âme de sa tante y est pour quelque chose ! On l’appelait « la femme au grand cœur ». Elle aimait tellement les enfants, que de son vivant, elle cuisinait souvent, puis appelait les enfants des alentours pour qu’ils viennent manger.

Désormais, Serge s’y rend tous les six mois. Cet orphelinat accueille une quarantaine d’enfants, mais seulement dix y à temps plein. La plupart y logent pour échapper à la pauvreté, comme dans un internat, mais retournent voir leur famille de temps à autre

Cette nécessité d’orphelinat comme celui-ci au Cameroun traduit en réalité deux problématiques majeures du pays. Les enfants ne vont pas forcément à l’école, car elle a un coût, d’une part, et que d’autre part, les enfants sont souvent amenés à aider leurs parents dans les tâches quotidiennes.

Le second problème est l’augmentation du nombre d’accouchements par de jeunes adolescentes. Sans moyens suffisants pour élever un enfant, elles le confient à ce type d’orphelinat, où elles savent qu’il mangera, étudiera, jouera… L’éducation est obligatoire au sein de l’établissement. Par la suite, ces enfants retrouvent parfois leur famille !

Une anecdote m’a particulièrement marquée. Durant dix ans, Serge a vu grandir un des enfants. Il faisait partie du groupe de jeunes qui restaient à l’orphelinat, même pendant les vacances. Une absence familiale qui aurait pu le conduire à baisser les bras. Bien au contraire, ce garçon est retourné dans sa famille un an avant le passage de son baccalauréat. Un défi à relever.

Il a travaillé pendant un an pendant qu’il se préparait à l’examen pour aider sa famille, et a obtenu le diplôme. Une belle preuve de courage et de détermination.

Aujourd’hui, l’orphelinat rassemble de plus en plus de personnes. Par exemple, il y a eu dernièrement un orage. Le toit s’est arraché et des élus locaux ont participé à la reconstruction.

La participation de la sphère politique dans ce projet est réellement porteuse d’espoir !

En attendant, la frustration la plus grande de Serge est que l’Afrique ne se développe à hauteur de ses possibilités. Pillées, accaparées, manipulées… Les richesses ne sont pas utilisées dans les intérêts de la population locale, alors qu’elles pourraient servir notamment au développement de l’éducation.

Ingérence, président au pouvoir depuis plus de 35 ans, dettes envers la France… A vous de choisir, la liste est longue…

Je terminerai sur une note plus positive, tel que l’a été mon échange avec Serge.

L’amour triomphe toujours. Phrase banale pour une histoire qui ne l’est pas, joli contraste, n’est-ce pas ?

Pour Serge, ce fut l’amour pour les enfants. Et cela, il le tient sûrement de sa tante.

Son souhait le plus cher pour l’avenir est de créer sa propre fondation pour aider les enfants au Cameroun. Maintenant que l’orphelinat est pris en main par plusieurs personnes, il pense pouvoir s’investir pleinement dans ce projet, une fois qu’il sera à la retraite.

Je tiens à remercier Serge  pour m’avoir narré son expérience.

 

Lucile Ané, 7 avril 2019