Restitution du patrimoine africain

Durant la période coloniale, plusieurs dizaines de milliers d’objets africains auraient été pillés ou acquis à des prix ne reflétant pas leur valeur, et seraient détenus aujourd’hui par les collections publiques, selon le rapport émis par les universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoye. Quelque 70 000 objets africains seraient ainsi détenus au musée du quai Branly à Paris. L’Europe rassemblerait autour de 90 % des œuvres d’art africaines, ce qui révèle l‘ampleur de la situation. Cet héritage de la période coloniale porte en son sein, de douloureuses blessures et ranime un passé qui ne sera jamais oublié. Ce rapport eut ainsi l’effet d’une bombe et fut vivement torpillé par certains critiques qui redoutent de voir les musées français vidés de leurs collections. Cela reste cependant à relativiser comme le souligne la Franco-Béninoise Marie-Cécile Zinsou : « Arrêtons les exagérations. Ce n’est pas parce qu’on pose la question de la restitution que les camions sont déjà devant le Quai-Branly pour tout récupérer ».

 

 

Des avis divergents engendrent ainsi une confrontation entre le rayonnement international des musées français qui risque de se tarir, et la légitimité, la restitution d’une partie de l’histoire dérobée à la culture africaine. La restitution semblerait être toutefois un moyen afin de panser les plaies du passé, et serait une véritable source de développement du tourisme pour les États africains. Renouer avec son passé apparaîtrait ainsi comme un prérequis pour la construction du futur des pays africains. Pour Marie-Cécile Zinsou, : « Récupérer, ce n’est pas juste avoir une porte, deux masques et un trône, mais retrouver une dignité ». La question de restitution demeure cependant complexe notamment dans l’identification de ce qui a été pillé et de ce qui a été acheté ou vendu. La directrice du Musée des civilisations de Côte d’Ivoire, à Abidjan apporte un avis plus nuancé sur le sujet : « il faut être réaliste, mener un travail collégial de coopération et de partenariat avec les musées français. Nous ne sommes pas en guerre avec eux. ». Elle ajoute : « Quoi qu’on dise, ces objets ont aujourd’hui une double nationalité ». Cette « double nationalité », est associée au problème d’identification des œuvres pillés et demeure ainsi source de tension dans l’attribution du droit de propriété de celles-ci, représentant un enjeu pour le rayonnement des différentes nations, ainsi qu’une revanche sur le passé, et une page tournée pour les pays africains.

La restitution de 26 œuvres béninoises par l‘Etat français amorce, et annonce l’évanouissement de certaines rancœurs héritées de la colonisation, ainsi que le retour légitime de l’art africain à sa mère-patrie. Cela ne reste toutefois que les prémices d’un avènement possible de la restitution de l’ensemble des œuvres africaines au regard de l’étendue de ce projet.

 

Tom Chacun, 24 novembre 2018

Sortir des déserts médicaux en Afrique grâce à des consultations dématérialisées

Dans beaucoup de pays d’Afrique Subsaharienne, les médecins spécialisés sont concentrés dans les capitales en au dépens des zones rurales ou reculées. Dans ces régions-là, même si des médecins ou des infirmiers tiennent un centre médical, peu de personness’y rendent car le manque de spécialistes sur place pour interpréter les résultats des analyses contraint le patient à se rendre dans des capitales régionales afin de pouvoir se faire soigner. Or cela représente un coût financier que peu de patients de ces zones-là peuvent supporter et ne se font finalement pas soigner. C’est notamment pour ces raisons que les centres médicaux en zones rurales sont peu fréquentés.

 

Cheick Oumar Bagayoko, un ancien étudiant en médecine et un passionné d’informatique a trouvé une solution au désert médical en créant un logiciel puis une application de télémédecine appelée Bogou (qui signifie entraide en langues djerman et songhaï, parlées au Niger et au Mali). Cette application permet aux médecins exerçant dans les zones rurales de communiquer et d’envoyer des photos à des groupes de discussions constitués de médecins spécialistes provenant de huit pays africains qui interprètent les résultats ou apportent un diagnostic au plus vite. Par exemple, un médecin présent dans une zone rurale peut envoyer une échographie ainsi que les données du patient à des gynécologues afin d’assurer à distance le suivi d’une grossesse. Cela permet donc aux patients d’être pris en charge et de pouvoir être soignés directement sur place et rapidement, et ce pour le prix d’une consultation normale. Ainsi, une augmentation de la fréquentation des centres médicaux locaux a pu être observéeau Mali, passant de 8% de la population à 35% de la population rurale, ce qui contribue à motiver les médecins en zone rurales qui font parfois face à des difficultés financières du fait du manque de fréquentation de l’infrastructure.

Actuellement, une utilisation par SMS du service est en train d’être développée afin que même les zones les plus isolées où il n’y a pas de connexion internet puissent bénéficier de cet outil. De plus, le personnel de santé peut parfois, notamment au Mali avoir accès à une formation sur l’utilisation de Bogou. Cheick Oumar Bagayoko a gagné le prix rfi santé ce qui lui a permis d’avoir plus de fonds pour développer son application qui propose maintenant des petites formations pour aider les infirmiers à utiliser le matériel médical, le tout disponible en quatre langues.

 

Delphine Hosking, 7 janvier 2019

RDC : La fin d’un grand trouble politique ?

Le 20 janvier 2019, Félix Tshisekedi a été officiellement élu chef de l’Etat de la République démocratique du Congo. Mais dans quel contexte cela s’est-il déroulé ? Quelles sont les conséquences pour les mois à venir dans le pays ? Ce qui est certain, c’est que la légitimité de Tshisekedi est encore loin d’être établie.

La situation dans le pays avant ces élections était loin d’être stable : l’ancien dirigeant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001, réprimait fortement la population (plus de 300 victimes civiles dans des manifestations pacifiques entre 2015 et 2018). Kabila n’étant pas autorisé à se représenter (la constitution n’autorise déjà que 2 mandats), trois principaux candidats se sont affrontés dans cette élection, qui se déroule au suffrage uninominal à un tour :
– Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat soutenu par l’ancien dirigeant du pays.
– Martin Fayulu, un des opposants majeurs du régime, c’est le candidat allant le plus à l’encontre de l’idéologie de l’ancien gouvernement.
– Félix Tshisekedi, enfin, qui constitue un intermédiaire entre opposition et conformisme.

L’enjeu de ces élections est considérable car l’incertitude quant à l’issue du scrutin est réelle : en effet, la pression de l’opposition est telle que l’élection du candidat dans la lignée de Kabila est tout sauf assurée.

De fait, la tension au sein du pays pendant la période des élections était extrêmement importante. A titre d’exemple, le gouvernement a unilatéralement décidé, à partir du 31 décembre 2018 et pendant presque 3 semaines, de couper l’accès à internet et aux communications SMS dans tout le pays. Cela a fait suite principalement aux premiers soupçons de trucage de résultats qui sourdaient dès les lendemains du scrutin. Cela montre bien, malgré l’aspect pacifique de cette élection en comparaison avec les précédentes dans ce pays (coups d’Etat et autres), que la RDC est encore loin de posséder le statut de démocratie.

Les résultats

L’annonce officielle donnait les scores suivants :Tshisekedi en tête avec 38%, suivi de près par Fayulu avec 34%, tous deux devant Shadary et ses 23%.
Seulement voilà, des contestations sont immédiatement survenues, venant d’une part de l’Eglise catholique, très influente dans le pays, et également de la Céni (commission électorale nationale indépendante), ces deux organismes stipulant que c’était plutôt Fayulu qui devait être élu, et ce avec 60% des suffrages.
Aucune certitude, mais le doute est permis puisque Tshisekedi consistait en le meilleur compromis entre crédibilité et conformisme pour le gouvernement de Kabila (en effet, au vu du faible engouement que suscitait Shadary, l’annonce de son élection aurait été virulemment contestée. Ainsi, le seul candidat suffisamment crédible et en accord avec les autorités en place était Tshisekedi).

Le fait est qu’à l’international, l’annonce de ce résultat est vue d’un plutôt mauvais œil : l’Union Africaine, plutôt conciliante habituellement, a exprimé des doutes quant à la légitimité de cette élection. Certains chefs d’Etat africains, comme celui du Rwanda Paul Kagame et celui de l’Angola Joao Lourenço notamment, se sont montrés très critiques. Les soupçons n’auront pas été suffisants cependant, et aujourd’hui Félix Tshisekedi est officiellement à la tête de la RDC. Pour un pays en difficulté économique comme celui-ci, une instabilité politique est la dernière des choses à souhaiter. Pourtant, malheureusement, la situation semble loin d’être claire. Affaire à suivre..

Sources:
http://www.lefigaro.fr/international/2019/01/23/01003-20190123ARTFIG00251-felix-tshisekedi-le-president-sous-controle-de-la-republique-democratique-du-congo.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_de_2018_en_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo

 

Raphaël Deloffre, 05/02/2019