Rencontre avec Serge et l’orphelinat Sainte Rose, des murs dédiés aux enfants

 

 

Un dîner s’accompagne toujours d’une histoire. Parfois, elle est banale. La vie. Le quotidien. La routine quoi. Mais d’autres fois, l’histoire est passionnante, prenante, enivrante !

C’est relatif. Certes. Mais cette histoire-là, je vous l’annonce, elle est démente.

Serge est franco-camerounais. Il est né au Sud du Cameroun, où il a vécu une partie de son enfance, avant de rejoindre ses parents en France. Cette ancienne colonie française est encore aujourd’hui relativement marquée par l’occupation française, puisqu’on y parle le français et que la France a toujours une emprise sur le pays, notamment dans le choix du président au pouvoir.

Sans entrer dans le détail, le Cameroun est toujours soumis aux intérêts qu’il doit payer à la France. Ils renflouent le déficit français, mais empêchent le développement camerounais…

Problème. Le but de cet article n’est pas de retracer l’histoire géopolitique du Cameroun, mais simplement de replacer votre esprit dans le contexte actuel.

 

Je souhaitais également préciser, avant toute chose, que Serge ne partage pas son histoire pour être perçu comme « le sauveur de l’humanité » (titre scoop digne d’un journal people), ni comme un héros. Il ne recherche pas la gloire. Son action a pour but de rétablir une égalité. Il agit pour une cause qu’il considère juste. Simplement. Je tenterai donc de vous partager son récit avec les mots les plus justes qu’il soit.

Revenons à notre histoire passiona-démente…

Chaque histoire se construit, mais on ne sait quand elle se finit.

Les débuts sont bien souvent inattendus, incompréhensibles voire complètement loufoques. Mais ce qui est certain, c’est que ces « débuts » sont significatifs. Ainsi, de retour au Cameroun pour les funérailles d’une de ses tantes, Serge a vécu un de ces « début ». Un début marquant.

En discutant avec des membres du village dans l’après-midi, il pointa du doigt une direction, en demandant s’il n’y avait pas un orphelinat, là-bas. Il n’en avait jamais entendu parler auparavant, ne connaissait absolument pas la réponse qui allait suivre, posait sa question par le plus grand des hasards. Les habitants lui répondirent qu’il y avait effectivement un orphelinat dans cette direction, non loin, et lui demandèrent pourquoi il avait posé cette question. A cela il ne pouvait répondre d’une manière rationnelle. Il ne savait pas pourquoi !

Le hasard, dit-on, fait bien les choses.

Une fois de plus, ce fut vrai.

Un instinct dira-t-on ! Serge n’attendit pas plus tard que le lendemain matin pour exiger qu’on l’y emmène.

Arrivé à l’orphelinat Sainte Rose, seules deux personnes s’occupaient de toute l’organisation. Il vit deux sœurs faire la cuisine, jouer avec les enfants, laver les vêtements et les draps.

Il y resta un moment. Les lieux lui plurent. Enfin ça, je le déduis, car cette scène s’est déroulée il y a plus de quinze ans.

Oui, depuis la rencontre avec les murs et les vies qui y logeaient, Serge n’a plus jamais quitté cet orphelinat. Du moins, son cœur ne l’a jamais quitté, bien qu’il vive en France.

Peut-être que l’âme de sa tante y est pour quelque chose ! On l’appelait « la femme au grand cœur ». Elle aimait tellement les enfants, que de son vivant, elle cuisinait souvent, puis appelait les enfants des alentours pour qu’ils viennent manger.

Désormais, Serge s’y rend tous les six mois. Cet orphelinat accueille une quarantaine d’enfants, mais seulement dix y à temps plein. La plupart y logent pour échapper à la pauvreté, comme dans un internat, mais retournent voir leur famille de temps à autre

Cette nécessité d’orphelinat comme celui-ci au Cameroun traduit en réalité deux problématiques majeures du pays. Les enfants ne vont pas forcément à l’école, car elle a un coût, d’une part, et que d’autre part, les enfants sont souvent amenés à aider leurs parents dans les tâches quotidiennes.

Le second problème est l’augmentation du nombre d’accouchements par de jeunes adolescentes. Sans moyens suffisants pour élever un enfant, elles le confient à ce type d’orphelinat, où elles savent qu’il mangera, étudiera, jouera… L’éducation est obligatoire au sein de l’établissement. Par la suite, ces enfants retrouvent parfois leur famille !

Une anecdote m’a particulièrement marquée. Durant dix ans, Serge a vu grandir un des enfants. Il faisait partie du groupe de jeunes qui restaient à l’orphelinat, même pendant les vacances. Une absence familiale qui aurait pu le conduire à baisser les bras. Bien au contraire, ce garçon est retourné dans sa famille un an avant le passage de son baccalauréat. Un défi à relever.

Il a travaillé pendant un an pendant qu’il se préparait à l’examen pour aider sa famille, et a obtenu le diplôme. Une belle preuve de courage et de détermination.

Aujourd’hui, l’orphelinat rassemble de plus en plus de personnes. Par exemple, il y a eu dernièrement un orage. Le toit s’est arraché et des élus locaux ont participé à la reconstruction.

La participation de la sphère politique dans ce projet est réellement porteuse d’espoir !

En attendant, la frustration la plus grande de Serge est que l’Afrique ne se développe à hauteur de ses possibilités. Pillées, accaparées, manipulées… Les richesses ne sont pas utilisées dans les intérêts de la population locale, alors qu’elles pourraient servir notamment au développement de l’éducation.

Ingérence, président au pouvoir depuis plus de 35 ans, dettes envers la France… A vous de choisir, la liste est longue…

Je terminerai sur une note plus positive, tel que l’a été mon échange avec Serge.

L’amour triomphe toujours. Phrase banale pour une histoire qui ne l’est pas, joli contraste, n’est-ce pas ?

Pour Serge, ce fut l’amour pour les enfants. Et cela, il le tient sûrement de sa tante.

Son souhait le plus cher pour l’avenir est de créer sa propre fondation pour aider les enfants au Cameroun. Maintenant que l’orphelinat est pris en main par plusieurs personnes, il pense pouvoir s’investir pleinement dans ce projet, une fois qu’il sera à la retraite.

Je tiens à remercier Serge  pour m’avoir narré son expérience.

 

Lucile Ané, 7 avril 2019

 

 

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