RDC : La fin d’un grand trouble politique ?

Le 20 janvier 2019, Félix Tshisekedi a été officiellement élu chef de l’Etat de la République démocratique du Congo. Mais dans quel contexte cela s’est-il déroulé ? Quelles sont les conséquences pour les mois à venir dans le pays ? Ce qui est certain, c’est que la légitimité de Tshisekedi est encore loin d’être établie.

La situation dans le pays avant ces élections était loin d’être stable : l’ancien dirigeant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père en 2001, réprimait fortement la population (plus de 300 victimes civiles dans des manifestations pacifiques entre 2015 et 2018). Kabila n’étant pas autorisé à se représenter (la constitution n’autorise déjà que 2 mandats), trois principaux candidats se sont affrontés dans cette élection, qui se déroule au suffrage uninominal à un tour :
– Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat soutenu par l’ancien dirigeant du pays.
– Martin Fayulu, un des opposants majeurs du régime, c’est le candidat allant le plus à l’encontre de l’idéologie de l’ancien gouvernement.
– Félix Tshisekedi, enfin, qui constitue un intermédiaire entre opposition et conformisme.

L’enjeu de ces élections est considérable car l’incertitude quant à l’issue du scrutin est réelle : en effet, la pression de l’opposition est telle que l’élection du candidat dans la lignée de Kabila est tout sauf assurée.

De fait, la tension au sein du pays pendant la période des élections était extrêmement importante. A titre d’exemple, le gouvernement a unilatéralement décidé, à partir du 31 décembre 2018 et pendant presque 3 semaines, de couper l’accès à internet et aux communications SMS dans tout le pays. Cela a fait suite principalement aux premiers soupçons de trucage de résultats qui sourdaient dès les lendemains du scrutin. Cela montre bien, malgré l’aspect pacifique de cette élection en comparaison avec les précédentes dans ce pays (coups d’Etat et autres), que la RDC est encore loin de posséder le statut de démocratie.

Les résultats

L’annonce officielle donnait les scores suivants :Tshisekedi en tête avec 38%, suivi de près par Fayulu avec 34%, tous deux devant Shadary et ses 23%.
Seulement voilà, des contestations sont immédiatement survenues, venant d’une part de l’Eglise catholique, très influente dans le pays, et également de la Céni (commission électorale nationale indépendante), ces deux organismes stipulant que c’était plutôt Fayulu qui devait être élu, et ce avec 60% des suffrages.
Aucune certitude, mais le doute est permis puisque Tshisekedi consistait en le meilleur compromis entre crédibilité et conformisme pour le gouvernement de Kabila (en effet, au vu du faible engouement que suscitait Shadary, l’annonce de son élection aurait été virulemment contestée. Ainsi, le seul candidat suffisamment crédible et en accord avec les autorités en place était Tshisekedi).

Le fait est qu’à l’international, l’annonce de ce résultat est vue d’un plutôt mauvais œil : l’Union Africaine, plutôt conciliante habituellement, a exprimé des doutes quant à la légitimité de cette élection. Certains chefs d’Etat africains, comme celui du Rwanda Paul Kagame et celui de l’Angola Joao Lourenço notamment, se sont montrés très critiques. Les soupçons n’auront pas été suffisants cependant, et aujourd’hui Félix Tshisekedi est officiellement à la tête de la RDC. Pour un pays en difficulté économique comme celui-ci, une instabilité politique est la dernière des choses à souhaiter. Pourtant, malheureusement, la situation semble loin d’être claire. Affaire à suivre..

Sources:
http://www.lefigaro.fr/international/2019/01/23/01003-20190123ARTFIG00251-felix-tshisekedi-le-president-sous-controle-de-la-republique-democratique-du-congo.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_de_2018_en_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo

 

Raphaël Deloffre, 05/02/2019

 

Le marché des féticheurs à Lomé: point sur le vaudouisme

  • Au 17èmesiècle, des hommes du Golfe de Guinée ont été réduits en esclavage. En ces temps difficiles, les hommes se sont soutenus mutuellement, mais ont aussi cherché une protection au-delà de leur corps et de leur âme.

C’est dans ce contexte de peur et de détresse que la religion vaudou est née, il y a donc plus de trois siècles, au sein de l’ancien royaume de Dahomey.

Le vaudouisme, bien que divisé en différentes communautés de cultes, a une origine cosmique, issue des cultes animistes africains. Il compte environ 50 millions de pratiquants dans le monde. En effet, après des décennies, il s’est également développé en Afrique du Nord, où il se retrouve mélangé à l’islam.

Ce culte s’est donc développé aussi bien dans les pays d’origine des esclaves, le Bénin et le Togo, ainsi qu’au lieu de leur arrivée au cœur des Caraïbes, où les Noirs capturés, réduits en esclavage, l’ont développé : à Cuba, en Haïti, au Brésil et même aux États-Unis. Ces esclaves ne pouvaient parler leur langue et pratiquer leur culte : leur seul réconfort était le vaudouisme, la seule part de leur patrimoine culturel qu’ils ont réussi à préserver…

Ceci explique pourquoi cette religion est aussi protégée au Togo.

 

  • En général, le vaudouisme est un culte largement inconnu des sociétés européennes. Je tenterai donc de vous éclairer sur les bases de cette religion !

Le Dieu suprême du vaudouisme est Mawu, qui signifie littéralement « l’inaccessible ». Cette figure n’a pas de forme : il n’est jamais représenté et a donc créé d’autres vaudous, pour qu’ils rentrent en relation avec les hommes et le monde.

Vous voilà maintenant parés pour appréhender la suite de l’aventure ! Direction, Lomé, quartier d’Akodésséwa…

 

  • Les sorciers et guérisseurs de cette religion prescrivent aux adeptes d’étranges remèdes. Têtes de singes, gueules de crocodiles, poupées, caméléons, grenouilles, perruches… On ne les trouve pas à tous les coins de rue ! C’est ainsi que s’est développé dans la capitale du Togo, Lomé, un marché où l’on peut se procurer tous ces objets. Il est surnommé « marché des féticheurs ».

Les adeptes de la religion vaudou de tout le pays s’y rendent régulièrement ! D’un œil extérieur à ce culte, c’est un lieu encore plus impressionnant ! Sa taille est gigantesque, de nombreuses peaux de bêtes, des oiseaux, des serpents sont disposés pour sécher au soleil.

La propreté et l’hygiène n’y sont pas les principales préoccupations : entre poussière et odeur de pourriture, il peut être difficile de se concentrer ! Mais qu’importe, l’essentiel est de se procurer les fameux objets fétiches.

 

  • Si vous n’avez pas sauté sur l’occasion de vivre la meilleure expérience de votre vie en participant aux chantiers de Go To Togo (shame on you…), il vous est tout de même possible d’approfondir vos connaissances sur cette religion si passionnante !

Il existe en effet des musées en Europe consacrés au vaudouisme : le château Vaudou à Strasbourg, ainsi que le musée du vaudou à Essen en Allemagne.

Ces musées seront sans doute moins chers que l’entrée au marché des féticheurs !

À 10000 francs CFA le ticket, il semble que le tourisme l’ait quelque peu emporté sur la tradition. Business is business…

 

  • Si mon article sur le vaudouisme vous a séduit, je vous conseille vivement le documentaire Des hommes et des dieux, produit en 2002 par Anne Lescot et Laurence Magloire.

Ce documentaire retrace l’histoire d’un groupe d’homosexuels et travestis en Haïti. Pour eux, le vaudouisme représente un espace de liberté d’expression et de réconfort, où chacun, peu importe son orientation sexuelle, y trouve une protection.

 

Lucile Ané, 10 février 2019

L’Afrique et le danger du salafisme djihadiste

Alors que le retour des combattants djihadistes d’Irak et de Syrie est source de vifs débats en Europe, la question du terrorisme n’est pas moins préoccupante dans cette autre partie du monde qu’est l’Afrique. En effet, plusieurs groupes se revendiquant d’une idéologie salafiste djihadiste, menacent la sécurité au sein de pays africains tels que le Mali ou le Nigeria. Il convient d’abord de définir ce qu’est le salafisme djihadiste ; une idéologie prônant une lutte armée afin d’imposer un islamisme purifié des origines et donc un retour à la Charia, la loi islamique. Voici un petit tour d’horizon de quelques-unes des principales factions terroristes djihadistes :

La première, sans doute la plus connue et médiatisée, est Boko Haram. Prenant également le nom d’Etat islamique en Afrique de l’Ouest, elle a été fondée en 2002 au Nord-Est du Nigéria, par Mohamed Yusuf. L’idéologie anti-occidentale de ce mouvement s’exprime à travers son nom même.  Boko, dérive de l’anglais « book » qui signifie « livre » et haram se traduit par « interdit » en arabe. Ce groupe rejette donc l’enseignement qu’il considère perverti par les occidentaux. Boko Haram a notamment fait parler en 2014, lors de l’enlèvement de 276 lycéennes dans l’Etat de Borno au Nigéria. Mis à part les enlèvements, ce groupe agit à travers des massacres dans les villages nigériens mais aussi des attentats-suicides. Le nombre total de ses victimes s’élève à plus de 15 000.

Une seconde organisation fait également beaucoup parler d’elle : AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique. Cette branche d’Al-Qaïda est née en Algérie en 2007, à l’initiative de Abdelmalek Droudkel. Il s’agit d’un des nombreux djihadistes ayant combattu les Américains lors de la Seconde guerre d’Afghanistan à partir de 2001. AQMI, dont l’objectif final est l’instauration dans l’ensemble du monde musulman d’un califat régi par la charia sévit avant tout au Sahel. Son action prend la forme de guérillas, d’attentats terroristes ou encore d’enlèvements, comme en 2011 lorsque deux français, membres d’une ONG, ont été enlevés et tués par cette organisation au Niger.

Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans est, lui, né en 2017, de la fusion de plusieurs groupes d’obédience salafiste djihadiste. A travers des guérillas, des attentats-suicides et des enlèvements ce groupe menace avant tout le Mali, le Niger, la Lybie et le Burkina Faso. Il détient aujourd’hui plusieurs otages occidentaux et notamment la française Sophie Pétronin. Cette dernière, enlevée en décembre 2016, est la fondatrice de l’ONG« Association d’Aide à Gao », qui œuvre dans le domaine de l’aide à l’enfance dans le nord du Mali. Son fils ne cesse de demander de l’aide à l’Etat afin d’obtenir sa libération.

Plus à l’Est, en Somalie, on trouveHarakat al-Chabab al-Moudjahidin, le « mouvement des jeunes combattants ». Ce long nom désigne ce que l’on appelle plus couramment les « chebabs ». Cette faction, fondée en 2006 par Aden Hashi Farah Ayro,vise à créer un Etat Islamique en Somalie. A ses débuts, ce groupe, agissant dans cet état en déliquescence qu’est la Somalie, a connu quelques succès. Il est en effet venu à contrôler une partie du pays avant d’être repoussé en 2011 par l’armée Somalienne, aidée de l’Union Africaine.

Enfin, intéressons-nous à Ansar-Al Charia. Ce nom désigne ce qui pourrait se traduire par « défenseurs de la loi islamique ». Ce nom exprime l’objectif premier des organisations qui le portent: l’imposition du respect de la Charia dans leur zone d’opération. Différents groupes djihadistes en Afrique sont ainsi nommés mais nous nous focaliserons sur deux d’entre eux. L’un, est d’origine tunisienne, et a été lancé en avril 2011 par Abou Iyadh. L’autre est né en Libye, en 2012, à la suite de la Chute du dictateur Libyen, Mouhammar Khadafi.Ces deux groupes tentent d’obtenir l’adhésion d’une certaine partie de la population locale à travers des services rendus à celle-ci tels que la réparation de routes ou la sécurisation des hôpitaux. Cette adhésion est nécessaire afin de contribuer à la propagation de leur idéologie.

Face à cette insécurité que font peser ces groupes terroristes sur leur pays, les gouvernements africains sont peu armés. Des forces occidentales et notamment françaises, interviennent donc pour protéger ces territoires menacés, mais ces interventions feront l’objet d’un prochain article.

 

Marylou Colombet, 21 mars 2019